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tures dont les noms se cachent peureusement tout petits, parfois s’étendent avec complaisance, ou se présentent en une dignité de grand seigneur, — comme si les lettres aussi avaient des talons rouges, — ou ne s’avouent pas : les anonymes, celles qui se désolent ou injurient le plus fort.

Donc Lucet va les connaître ces joies journalières des pensées inconnues qui vous viennent visiter et veulent savoir, pénétrer les sentiments demeurés sans expression, mais probables, sous-entendus par l’auteur d’un tableau, d’un livre, d’un drame. Lucet va connaître la curiosité de ceux qu’émeut un brin de beauté et qui ne peuvent se tenir de crier la joie vivifiée dans leur âme par un peu de cette beauté dont elle est avide et qu’essaie de lui offrir le peintre, l’écrivain, le parfait comédien…

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Julien précisément s’excusa d’avoir quelques lettres à expédier, Lucet s’en fut dans l’atelier, feuilleta des cartons d’abord, puis ouvrit le piano et, s’accompagnant comme il savait, sur quelques notes, il modula de sa voix au timbre suave, douce à entendre, la courte Chanson du Pâtre qu’il soupire à la cantonnade au premier acte de Marie-de-Magdala


Julien achevait son courrier ; il se leva ; le tapis épais effaçait le bruit de ses pas… Il s’approcha de Luc et surprit l’enfant absorbé dans la contemplation de Nine dont le portrait offrait peut-être, après celui du bel et tendre Daphnis, la plus délicieuse vision de