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leur essor, elle, Jeannine, réalisait auprès de Julien tout ce que peut une jeune fille, de grâce le’gère, simple et charmante, ployée sans effort, sans pose, naturellement, aux habitudes un peu bousculantes et brise-tout des garçons. Et cela était un régal pour Julien et le guérissait presque de son incurable, croyait-il, misogynie.

Croyait-il, car Jeannine était seule à l’exclusion des autres femmes à exercer ce mystérieux pouvoir sur le jeune peintre. Encore cette mainmise sur son esprit et sur son cœur prenait-elle surtout sa force dans l’amitié de Lucet pour Nine. Il semblait à la sensibilité morbide de Julien qu’un peu de Luc rejaillît sur la jeune fille et qu’il le pouvait aimer ainsi. Chaque contact des deux enfants développait ce partage impondérable ou cette invisible communion ; et Julien aimait sa jolie Nine à travers les beaux yeux de Lucet.

Aucun détail des choses et des gens n’échappait à sa perspicacité d’artiste ; et son petit ami avait particulièrement le don d’éveiller en lui d’incroyables facultés de voir. Dès que Lucet entra au salon où les pâles lumières luttaient contre la lente décroissance du jour, Julien vit sur la ligne caressante des joues l’ombre bleue dont s’alourdissaient aussi ses paupières battues. Il le fouilla profondément de ses yeux clairs en prenant la main tendue du petit comédien ; et tant de pitié affectueuse se répandait dans le silence de son interrogation que Luc fut sur le point de crier la douleur encore vive et la déception suprême de son émancipation ! Mais Jeannine vint à lui, mains offertes aussi, et dissipa l’acuité passagère de ce sou-

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