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LUC

sonnes ont éprouve’s par lui. Comme l’apathie de ces visages terreux l’effraie ! Et le crissement ferrailleur de la vieille guimbarde, quel chant d’anonyme et continuelle misère ! Comme ce serait plus raisonnable tout de même de se plier à la monotonie grise de l’existence révélée jusque dans le dégingandé de l’omnibus, dans le sillon blafard des rues et des boulevards, comme ce serait plus raisonnable que de s’exalter dans les cartonnages et les décors du théâtre ! que de s’illuminer à ces feux de paille de la rampe et du succès pour rentrer si précipitamment dans la banalité sotte et bourgeoise de l’existence ! Au moins l’âme n’aurait point à subir de ces oscillations dangereuses qui l’énervent et la déconcertent. Lequel est vrai : l’Art ou la Vie ? Et ne sont-ils pas, l’un, la contradiction incessante de l’autre ? N’est-ce point cabotinisme odieux, en effet, pitrerie, ces sursauts vers un idéal qui font si douloureuses les chutes dans le réel ?

Et toute l’intelligence de Luc se révolte contre le chétif train-train où la jouissance inespérée d’un modeste héritage a plongé pour jamais son père et sa mère retirés dans leur maisonnette de Nanterre. C’est là que Lucet va les rejoindre pour trouver tout uniment la bonhomie du foyer sans aucune envolée vers aucune hauteur. Son père et sa mère n’ont pas assisté à ses débuts ; ils sont terre à terre, et fatigués, et n’ont jamais compris grand’chose à toutes ces « simagrées » qui ne relèvent pas du commerce et leur paraissent entachées d’opprobre. Ils aiment bien trop leur petit Luc pour réprouver sa vie ; ils ne la veulent cependant point admirer. Mais Lucet trou-