Page:Achille Essebac - Luc.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
LUC

timbre énorme, sonnât les trois coups. Il avait besoin de soulager son cœur anxieux d’une poignante émotion, que la vue de Nine apaisait. Et dans ces minutes émues et endolories presque à force de joies complètes, il ressuscitait, en bavardant auprès de Julien, l’enfant de chœur d’autrefois ; ses espiègleries à l’église dans la mélodie torrentielle des orgues ; la robe rouge et les aubes de dentelles ; le pain bénit ; Jeannine souriant et rougissant de honte jolie à son passage, un dimanche, deux dimanches, cinq, dix, vingt, trente dimanches ; lui gosse, elle gamine ; lui effronté déjà, elle timide encore ; enfants tous deux !.. Et Julien ajoutait en lui-même sans que Lucet connût rien de sa pensée : enfants tous deux tellement éloignés, — dans la retenue charmante qui craint encore de mal faire et n’ose pas, — de cette offrande hardie préparée sur le théâtre où toute réserve, toute pudeur presque se vont dissiper et laisser seuls face à face la beauté, la force, l’amour, le désir, l’audace de se montrer, le ravissement de se voir, prêts tous deux maintenant à ce que leur jeune chair ignorait jadis… Et Julien se recueille un instant comme pour réprimer cette pensée en laquelle son amour le dispute à son amitié, douloureusement.


Une rumeur se rapproche et se répand, c’est, suivie de l’auteur, Déah Swindor enveloppée d’un royal manteau de zibeline et de brocart émeraude. Elle sourit à tous, tous lui sourient ; elle va jusqu’à Lucet, Lucet remonte la scène vers elle. C’est lui qu’elle veut. Ce n’est pas tel gros critique au visage libidineux et pervers en quête de femmes grassouil-