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LUC

Déah Swindor, elle, avait deviné le parti à tirer de cette coïncidence. La toile à succès du Salon et le personnage de son drame se porteront mutuellement. Tout Paris connaît le tableau, tout Paris voudra connaître le modèle. Et, de fait, déjà le bruit se répand dans la salle que Daphnis va paraître tel à peu près que le fit Julien Bréard ; les habitués des coulisses confirment en regagnant leurs places le charme de celui qu’ils ont vu. Les critiques dédaignent, pour la plupart ; les critiques informés déjà à la répétition générale déplorent cette rupture avec les coutumes sacro-saintes. Encore une excentricité de Déah ; faire jouer un rôle d’éphèbe par un jeune homme, éphèbe en effet ! Ces messieurs en sont encore, avec George Sand, au « collégien assez mal appris, mal peigné, infecté de quelque vice grossier qui a déjà détruit dans son être la sainteté du premier idéal… laid, même lorsque la nature l’a fait beau… » Quelle excentricité, tudieu ! tandis que dans la salle même crèvent de dépit : Léa, Rosita, Amanda, Ryta, Tata, toutes jolies demoiselles mûres ou impubères, les unes aux croupes éléphantincs ; les autres exsangues, aux os perçant la chair anémiée ; poussives ou aigrelettes et qui auraient très bien personnifié cet adolescent dont le verbe doit sonner, harmonieux et clair, et ardent de toute la jeune virilité que se refuse désormais à refréner sa chair !


Les affiches débordent d’elles, qui jamais ne représenteront sur nos murs les fraîches délicatesses d’un Iohanam ; les affiches tout occupées à baver au long des murailles ces filles et leurs veules anatomies