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LUC

marchandes de plaisirs qui perdent dans la sécurité d’un palais, le souvenir des nuits précaires d’hôtels coupées de rafles. Guenons parées commes des châsses, chacun de leurs brillants cingle d’un éclair menaçant l’œil véreux de l’écumeur dont ils affichent les tripotages importants. Eux, pieds plats en posture naturelle, vautrés devant elles, idoles orgueilleuses aux bajoues lourdes de peinture et d’imposture…


Ce soir de première, c’est le grand soir longtemps attendu, c’est l’énervement des minutes interminables dans l’atmosphère chaude et moite de fauves odeurs du théâtre de Déah Swindor.

La loge de Lucet est au quatrième. Les étages inférieurs sont réservés à « ces dames ». Ces dames dont le talent à fleur de peau ne demande qu’à s’exhiber. Leur omnipotence piaillarde emplit le théâtre, absorbe les bonnes grâces du régisseur, accapare les obséquieux offices des coiffeurs et les services équivoques des habilleuses. Pour un peu elles exigeraient du décorateur qu’il brossât ses toiles avec les seuls tons susceptibles de faire valoir les rutilances artificielles de leurs tignasses. Quant aux électriciens, elles enragent de ne pouvoir en obtenir les flots de lumière où baigner leurs plâtres. Elles détestent Lucet, le frais et neuf Lucet. Luc ne les déteste pas, il ressent pour leurs peaux faisandées un magnifique dégoût. Ces femelles en rut, cent fois, lui ont offert l’insatiable et suspecte ventouse de leur ventre lippu, et les dédains de ce beau garçon de dix-sept ans exaspèrent leurs haines ; son éclat nouveau et puéril fait du tort à leurs grâces éreintées. Il est tour à tour l’amant aux