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LUCII

et d’où se veut répandre le charme de l’aveu bientôt arraché. Et puis ces formes grandissantes, d’avance, boivent les caresses pour lesquelles sont faits leurs contours délicats. Là c’est la place des lèvres communiant en un long et silencieux baiser ; là c’est la place des mains où les doigts brûlants prolongent de leurs lianes sensitives la sensibilité des paumes insatiables de touchers ; ici c’est la place des bras où la chair s’enlize dans la chair et s’abîme peu à peu, s’efface dans l’absorption d’un autre être qui la prend ; c’est là que les yeux se ferment abandonnant à l’âme le soin de voir le douloureux et tendre vase d’où, frisson à frisson, s’élève et s’exhale l’extase qui tue et revivifie le désir…

Jeannine détaille tout cela en parlant à Luc. Julien suit ses regards ; Nine n’oublie rien. Luc est à elle ! Elle est à Luc ! Et Julien tremble d’ignorer et de savoir…


Et des existences d’hommes se meuvent entre ces souffrances et ces joies dans le but unique de saisir un jour entre des bras, de boire entre des lèvres un peu d’une vie qui côtoie la leur et dont la beauté s’exprime auprès d’eux dans le mouvement furtif d’une main délicate, dans un regard, dans un souple contour de chair…


Julien aspire l’âpre joie d’avoir, sur la toile, à jamais fixé la beauté de son ami, puis offert cette vision claire aux gourmets de sensations rares. Il a conscience, sinon de renverser tout à fait l’Aphrodite exigeante, la Vache d’Or accapareuse, sotte, avide,