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LUC

res, les jalousies, les luttes, l’émotion, tous les potins qui montent jusqu’à sa loge. Et Nine, frémissante, écoute ; sa loge ! la loge où Lucet revêt ses costumes et parachève la minutie de sa toilette du soir.

Comme Julien suit avidement la transformation qu’opère en Lucet le prodige de la beauté, le prestige du théâtre, le sortilège de l’amour ! Avec quelle impétuosité il suit, sur la bouche jolie et dans les yeux brillants de Luc, le récit troublant de toutes ces choses du théâtre où il semble que tant de mystères prennent place au delà de la rampe, entre les acteurs sortis de la foule et leur apparition sur la scène avec la machinerie et les trucs d’eux-mêmes, semblables aux machineries et aux trucs des dessous et des cintres !

Jeannine aime Luc Aubry, le beau petit acteur. Oh ! cette affection se tempère d’une telle dignité, d’une telle réserve, que l’on ne peut voir rien autre que la condescendance d’une protectrice où Julien craint de voir la troublante emprise de l’amour qui ne s’avoue pas, mais resplendit dans la tranquillité factice des regards et la douceur tremblante des mots.

Et voilà que l’enfant de chœur d’autrefois, jeune homme maintenant, a conduit à leur proche épanouissement sa grâce hier inutile et sa fraîcheur hier intangible. L’éclosion de ces élégances appelle désormais le geste caressant et la bouche complice… Ce serait une joie terrible et délicieuse de recevoir l’aveu de cette conjugaison des lèvres roses et des dents fleuries de clartés blanches, l’étreinte de ces pâles mains jolies, avides de sentir la douceur partagée d’autres mains ; ce serait douloureux et divin l’abandon de ces yeux où toute la beauté s’enferme en deux cercles de limpidité