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ce moment au Salon fait le succès, dit-on, d’un de nos plus sympathiques artistes. »

Et l’énigme de cette note parcourt les journaux. On se répète le nom de Luc Aubry. On cherche en vain dans tous les portraits exposés lequel pourrait être « ce jeune acteur de talent ». Jamais le mutisme du traditionnel « portrait de M. X*** » ne fut mieux observé. Et cependant on connaît les toiles en vogue ; mais on n’imagine pas, dans le Daphnis et Chloé de Julien Bréard, autre chose qu’une étude anonyme dans sa saveur étrange et le débordement de son charme savant.

Julien n’a pas prévu, en commençant ce tableau, que le modèle serait un jour, en même temps que la toile, l’objet de l’attention du monde.

Des amis, dont la complaisance se double de quelque perfidie, ont laissé entendre — oh ! avec des réticences d’une habileté parfaite, sans même que leurs conseils parussent viser directement Julien, car il était dans son monde d’autres indépendants capables d’écouter uniquement leur conscience et de ne suivre que leurs droits pour s’attacher, par l’esprit et par la beauté, à l’être de leur élection — des amis ont laissé entendre qu’il vaudrait mieux que Julien n’exposât pas son jeune ami aux commérages d’un tour d’esprit facile, et retirât son tableau. Mais Julien avait trop d’élévation dans son caractère, trop de sérénité dans son affection pour écouter de semblables indicateurs et capituler devant les toujours possibles sottises d’une foule. Le véritable scandale eût été, d’ailleurs, le retrait de son œuvre. On n’eût pas manqué de s’en souvenir et de rapprocher malignement sa disparition