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à organiser une expédition, dans le but glorieux de dépouiller de ses fruits le verger d’un monastère, ou de provoquer en champ clos la jeune population d’un village voisin, maintenant qu’une moustache naissante commençait à ombrager sa lèvre, on le surprenait errant seul à l’écart au fond des vallées. Quelquefois même il ne suivait pas ses camarades qui, armés de lignes et d’éperviers, livraient bataille aux brochets d’un étang, et l’invitaient à partager leurs jeux. Il ne répondait plus avec le même élan aux provocations de Renaud. On l’avait vu déserter les leçons d’escrime d’un maître italien pour s’égarer dans un bois ; et si quelqu’un alors l’eût suivi, peut-être l’aurait-on vu graver deux lettres sur l’écorce fragile d’un bouleau, comme autrefois les bergers de Virgile.

Renaud souriait de pitié. Les petits catholiques se réjouissaient de n’avoir plus affaire au terrible général qui les avait vaincus si souvent ; les petits huguenots pleuraient sur leur capitaine.

« Il sait que le sort du démon terrassé par saint Michel lui e t réservé ; il a peur de succomber sous mes coups, disait M. de Chaufontaine, qui prenait de grands airs, et, modestement, se comparait à l’archange.

— Un moine lui aura jeté quelque sortilége, pensait un jeune calviniste naguère promu aux fonctions de lieutenant.

— Il rêve comme un savant !

— Il dort comme un abbé ! »

Hélas ! s’il rêvait souvent, M. de la Guerche ne dormait plus guère. Le sortilége qui l’avait terrassé, l’archange qui l’avait vaincu, c’était la compagne de ses premiers ans, Mlle Adrienne de Souvigny. On peut presque dire qu’Armand —Louis l’avait toujours connue ; mais il ne la regardait que depuis quelques mois. Et, à présent qu’il la regardait, il ne pouvait se lasser de l’admirer.