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ont en général du goût, beaucoup plus de goût que nous n’en avons nous-mêmes. Si l’on écrit un livre d’histoire, de science ou de morale, c’est le jugement des hommes qui compte ; mais, pour un romancier, il me semble que l’admiration des femmes est plus désirable, parce qu’elles conservent généralement plus de délicatesse que les hommes, et qu’elles n’en ont jamais la grossièreté.

Le Roman psychologique — je suis vraiment consterné d’avoir à prononcer ce mot pédant — a, lui aussi, de nos jours, mené grand bruit autour de sa personne et décrété, absolument du reste comme le Roman naturaliste, qu’en dehors de lui-même, rien ne valait… Et pourtant, après les remarquables maîtres de cette école, dans quel indigeste pathos sont tombés les médiocres qui les ont suivis !…

De ce que les romans d’Octave Feuillet ne rentrent pas dans la catégorie étiquetée psychologique, il serait aussi enfantin de dire qu’ils ne contiennent point de psychologie, que de conclure qu’il n’y en a pas non plus dans les œuvres de Racine ou de Shakespeare, parce que ces écrivains n’ont pas intercalé dans le dialogue tragique de longues dissertations sur les états d’âme de leurs personnages.

Les romans d’Octave Feuillet sont au contraire essentiellement des romans d’âme, de puissants romans d’âme ; ils le sont même presque uniquement, puisque la description, la mise en scène, y jouent un rôle si effacé. Ses moyens sont autres que ceux des auteurs dits : Psychologues et voilà tout. Les états d’âme de ses personnages, c’est le lecteur qui les dégage lui-même, et sans peine, je le dé-