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qu’au début de légères variations de ce genre, sous l’influence des lectures premières ; ensuite ils se retrouvent eux-mêmes ; ils le deviennent de plus en plus, et restent ce qu’ils sont, sans souci des critiques, ni des insultes, — ni des modes qui changent, car il y a des modes à l’usage des écrivains de pacotille et de leurs lecteurs.

Dans l’œuvre d’Octave Feuillet, la personnalité et l’unité sont deux essentielles et bien rares choses que je veux constater d’abord. C’est toujours lui, c’est de plus en plus lui qui écrit, et dont on sent vibrer l’âme délicatement noble. Derrière la multiplicité des personnages, sous l’infinie et charmante diversité de tant de drames, la thèse soutenue, — car je suis forcé de reconnaître que les livres de Feuillet soutiennent une thèse, — la thèse aussi demeure constante.

Les hommes à théories, — surtout ceux des couches nouvelles qui viennent au monde déjà tout bardés d’érudition, — longuement discutent avec gravité si le roman doit être romanesque ou documentaire, ou psychologique, ou je ne sais quoi encore, s’il doit se borner au rôle d’amusette pour gens du monde, ou bien s’il lui est permis de soutenir quelque haute thèse de morale ou de philosophie… Je suis forcé d’avouer que la portée un peu profonde de ces discussions m’échappe ; je les trouve même passablement vaines et puériles. Dans mon ingénuité de barbare éduqué en courant la mer, peu m’importe d’abord qu’un livre s’appelle roman ou s’intitule de tel autre nom qu’on voudra, — et la seule chose que je lui demande, c’est d’avoir la vie et d’avoir le charme.