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J’affirmerai tout à l’heure, avec la plus intime conviction, avec l’assurance la plus absolue, — à défaut du talent qu’il faudrait pour le prouver, — j’affirmerai qu’il se trompait et que son œuvre durera. Et je veux dès maintenant dire ici que son idéal même ne lui nuira point, dans cet inquiétant avenir où l’on nous juge tous à notre valeur vraie. Le réalisme, et le naturalisme qui en est l’excès, je suis loin de contester leurs droits ; mais, comme de grands feux de paille impure qui s’allument, ils ont jeté une épaisse fumée par trop envahissante. La condamnation du naturalisme est, d’ailleurs, en ceci, c’est qu’il prend ses sujets uniquement dans cette lie du peuple des grandes villes où ses auteurs se complaisent. N’ayant jamais regardé que cette flaque de boue, qui est très spéciale et très restreinte, ils généralisent, sans mesure, les observations qu’ils y ont faites, — et, alors, ils se trompent outrageusement. Ces gens du monde qu’ils essaient de nous peindre, ou bien ces paysans, ces laboureurs, pareils tous à des gens que l’on prendrait dans des bals de Belleville, sont faux. Cette grossièreté absolue, ce cynisme qui raille tout, sont des phénomènes morbides, particuliers aux barrières parisiennes ; j’en ai la certitude, moi qui arrive du grand air du dehors. Et voilà pourquoi le naturalisme, tel qu’on l’entend aujourd’hui, est destiné, — malgré le monstrueux talent de quelques écrivains de cette école, — à passer, quand la curiosité malsaine qui le soutient se sera lassée.

L’idéal, au contraire, est éternel ; il ne peut qu’être voilé, ou bien sommeiller momentanément, — et déjà, sur la fin de notre siècle, il est certain qu’il reparaît, avec