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DE M. DE FREYCINET.

lui-même pour se séparer volontairement de l’opinion publique ; en sorte qu’on peut avec la même certitude assurer, quand un gouvernement tombe, que la représentation nationale était fictive, et prédire, quand la représentation nationale est fictive, que le gouvernement tombera. » Il était impossible de déterminer avec plus de clairvoyance et d’autorité les causes qui devaient amener la fin du régime impérial.

Les papiers intimes d’Émile Augier montrent à quel point les problèmes politiques ont absorbé son esprit. Lui-même en fait l’aveu dans l’avant-propos de la Question électorale : « Ce travail, dit-il, est fait depuis longtemps, sauf quelques modifications légères. Il est le résumé d’une série d’études et, qu’on me permette le mot, de méditations dont on retrouvera aisément les traces dans mes dernières comédies. » À la vérité, il en pariait peu, même avec ses amis. Il éprouvait une sorte de confusion à laisser voir que le poète, le littérateur s’échappait fréquemment de son domaine reconnu. Dans un pays où les aptitudes sont classées et catégorisées par l’opinion, et où il semble qu’être qualifié dans une branche c’est être disqualifié pour les autres, Émile Augier se sentait emprisonné par sa propre célébrité. Il s’appliquait donc à se renfermer, aux yeux de tous, dans les travaux de son art, et c’est presque en s’excusant qu’il publia son mémoire, « comprenant très bien, dit-il, qu’il n’avait pas qualité pour entretenir le public de ces graves matières ».

Il appartient à la postérité de rectifier cette appréciation trop modeste et d’embrasser, dans son jugement, Émile Augier tout entier, avec ses aptitudes diverses : elle doit