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sa valeur de norme pour notre vie, que tant qu’il n’est pas lui-même déterminé comme phénomène. Car, entrant dans une série quelconque de causes, il se démocratise, perd instantanément tous ses attributs spécifiques, et devient tout aussi nécessaire pour la totalité de cette série que tous ses autres termes.

Dans la politique, l’élément créateur conserve tous les mêmes caractères contradictoires avec les lois de la phénoménalité. Un certain idéal politique, si nous le considérons au point de vue de la méthode scientifique, se présentera à nous comme un résultat prévu de toute une évolution sociale qui s’est écoulée jusqu’à présent. Ce résultat, de même que chaque fait enchaîné dans la causalité des phénomènes, ne peut être que ou bien nécessaire, ou bien tout à fait impossible. Si donc, l’époque présente de l’évolution historique détermine l’avenir, elle le détermine totalement. Le côté moral de la vie sociale, de même que son côté économique, apparaît comme conséquence de certaines causes historiques, se prolonge dans l’interminable série des phénomènes antécédents qui rendent absolument nécessaires l’apparition des faits donnés. — Cependant, cette même matière s’impose d’une manière intuitive à la pratique humaine, constitue l’objet tout à fait légitime de la politique, le but des tendances conscientes, qui, sous différents aspects, se posent pour problème de créer et d’améliorer l’histoire. — L’exemple classique de cet élément créateur existant parfaitement d’accord avec le déterminisme scientifique, nous le trouvons dans le socialisme moderne. Au point de vue scientifique, le capitalisme porte dans son sein non seulement le germe des éléments économiques de l’organisation sociale future (comme l’énorme puissance des forces productives, le travail socialisé, les grands organismes industriels, le plan conscient de la production qui commence à se montrer sous la forme des cartels, la propriété impersonnelle des syndicats et des sociétés par actions), mais il prépare aussi cette force incubatrice de la conscience humaine, qui doit mettre au jour les formes d’une vie nouvelle qui y sommeillent. Détruisant la petite industrie et les petits propriétaires, il organise en même temps la grande armée du prolétariat ; entraînant l’homme sous le joug de l’exploitation, démolissant son foyer familial, il éveille en même temps en lui de nouvelles tendances et de nouveaux désirs, le dirige vers des idées jusque-là inconnues ; de cette manière, le capitalisme prépare non seulement le matériel de construction, mais aussi le constructeur lui-même, c’est-à-dire, tout ce qui est nécessaire pour la naissance