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nomiques et juridiques jusqu’à cette matière de la réalité vitale dont elles sont formées, ramène toutes les abstractions sociales à leur expression humaine. Pour apprécier le rôle de la production comme ferment de la vie sociale, qui pénètre par des voies invisibles dans toutes ses ramifications, atteignant jusqu’à la sphère la plus idéologique, il faut distinguer le côté organisé de la production — de ce qui s’organise, la forme — de sa matière créatrice ; la forme de la production est inséparablement unie avec tout le côté formel de la vie sociale, — avec la propriété, l’échange, le code civil qui règle les rapports entre producteurs, propriétaires et consommateurs, et ne peut en être séparée comme un processus indépendant. Ainsi, par exemple, la production féodale, qui de son côté formel se présente comme l’institution de la tenure censive, et dont le caractère est que le producteur, satisfaisant directement à ses besoins, remet au propriétaire la plus-value sous la forme de produits naturels, contient aussi comme élément essentiel le droit de la propriété usufruitière et conditionnée de la terre avec tout son appareil coutumier et politique, réglant les rapports des seigneurs et des tenanciers ; dépouillée de ces éléments juridiques, elle perd tout son sens historique. — D’autre part, cependant, la production se présente comme une certaine matière vitale qui conditionne et détermine ses formes ; la forme de la production ne s’appuie pas sur un échafaudage abstrait de l’organisation juridique ; aucun code, aucune idée législative ne pourraient l’appeler à la vie par eux-mêmes ; ce qui se retrouve immédiatement au-dessous d’elle et dont l’influence la détermine, c’est la technique et la culture sociales entrant dans un certain rapport de corrélation dans l’individu humain — sous la forme de son intérêt vital. La technique, en tant que totalité des capacités productives dont la société dispose à un moment donné, étant l’expression réelle des besoins sociaux, crée en même temps et appelle à la vie son expression idéale dans les cerveaux humains, de nouveaux besoins culturels ; la culture, en tant que totalité des besoins vitaux socialisés dans les coutumes, conditionnant nécessairement l’existence sociale d’une technique donnée, en tire néanmoins cité-même sa sève vitale ; toutes les deux se créent réciproquement en s’efforçant d’entrer l’une avec l’autre dans un certain rapport déterminé ; et de cette adaptation mutuelle des deux éléments fondamentaux de la vie sociale, — capacités et besoins, — surgissent immédiatement les formes de la production, comme sa face organisée et explicite, dans les lois et les institutions publiques. Il n’est pas moins évident que la recherche mutuelle de ces deux éléments,