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RISETTE.
ÉVELINA.

Nous en devons trente au propriétaire. Il va falloir faire notre paquet.

RISETTE.

Heureusement ce ne sera pas long.

ÉVELINA.

Et où irons-nous ?

RISETTE, (Elle chante.)

À la grâce de Dieu, à la grâce de Dieu ! Tu vois toujours tout en noir.

ÉVELINA, (Elle s’assied et travaille.)

C’est que la situation n’est pas rose. À midi nous serons à la porte.

RISETTE.

Il n’est encore que dix heures ; nous avons deux heures devant nous.

ÉVELINA.

Crois-tu qu’il va pleuvoir des pièces de cent sous ?

RISETTE.

Pourquoi pas ? On ne peut pas savoir. Tiens, un jour, je me rappelle ça comme si j’y étais encore ; nous étions huit autour d’une grande table, et c’est tout au plus s’il y avait des pommes de terre pour tout le monde ; mon père ne gagnait pas gros, le pauvre cher homme ! Il regardait le plat d’un air triste, et disait qu’il n’avait pas faim ; ma belle-mère venait de nous distribuer notre ration de claques, et j’avais eu deux parts à moi seule. Mais j’avais bon appétit tout de même, et je mangeais ma pomme de terre mouillée de larmes : c’était salé. Voilà que nous entendons le facteur qui appelait dans la rue ; c’était une lettre d’Amérique.

ÉVELINA.

J’aurais mieux aimé un oncle.

RISETTE.

La lettre était d’un de mes oncles, Isidore Taboureau, qui était allé en Californie chercher de l’or ; mon père prend la lettre et l’ouvre.