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372\tLA MÈRE DE LA MARQUISE. Béranger, quoique le vieux poëte ne sût déjà plus à la mode. Les oiseaux, réveillés au milieu de leur sieste, exécutèrent un joyeux accompagnement au- dessus de sa tête. Lucile chanta à son tour, sans se faire prier, des paroles qui n’étaient pas italiennes. On plaisanta comme plaisantent les honnêtes gens ; on parla de tout, excepté du prochain et de la pièce nou¬ velle ; on rit à cœur ouvert, et personne ne s’aperçut qu’il y avait un peu de fièvre dans la gaieté de la mar¬ quise. « Pourquoi M. d’Outreville n’est-il pas ici? disait Mme Jordy; on s’aime bien à deux, mais à quatre, c’est la concurrence ! » A deux heures, M. Jordy courut à ses affaires, et les deux amies reprirent le cours de leurs confidences. Céline parlait sans se lasser et sans s’apercevoir qu’elle faisait un monologue. Les femmes sont mer¬ veilleusement organisées pour les travaux microsco¬ piques : elles excellent à détailler leurs plaisirs et . ■ leurs peines. Lucile, émue, haletante, écoutait, apprenait, devi¬ nait, et quelquefois aussi ne comprenait pas. Elle était comme un navigateur jeté par la tempête dans un pays enchanté, mais dont il n’entend pas la langue. L’heure du dîner approchait; Céline parlait encore, et Lucile écoutait toujours. « Quant aux enfants, disait la jeune femme, il faut espérer qu’ils viendront bientôt. Y penses-tu quel¬ quefois, ma Lucile? L’amour n’a qu’un temps : une