Page:About - Les mariages de Paris, 1856.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 1830 ne fassent une loi pour laisser les mamans au vestiaire ! »

Dès cet instant, son unique préoccupation fut de préparer sa fille au métier de marquise. Elle l’habilla comme une poupée, lui enseigna les diverses grimaces dont se composent les grandes manières et lui apprit la révérence tandis que sa gouvernante lui apprenait l’A B C. Malheureusement, la petite Lucile n’était pas née dans la rue du Bac. Elle s’éveillait au chant des oiseaux et non au roulement des carrosses, et elle voyait plus de villageois en blouse que de laquais en livrée. Elle n’écouta pas mieux les leçons d’aristocratie que lui donnait sa mère, que sa mère n’avait écouté les diatribes de M. Lopinot contre les marquis. L’esprit des enfants est formé par tout ce qui les entoure ; ils ont l’oreille ouverte à cent précepteurs à la fois ; les bruits de la campagne et les bruits de la rue leur parlent bien plus haut que le pédant le plus intraitable ou le père le plus rigoureux. Mme Benoît eut beau prêcher : les premiers plaisirs de la jeune marquise furent de se battre avec les petites filles du village, de se rouler dans le sable avec une robe neuve, de voler des œufs tout chauds dans le poulailler, et de se faire traîner par un gros chien écossais qu’elle tirait par la queue. À la voir jouer au jardin, un observateur attentif eût deviné le sang du bonhomme Morel et du père Lopinot. Sa mère se désespérait de ne trouver en elle ni orgueil, ni vanité, ni le plus