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— Mais c’est donc une conspiration ! Vous avez juré de me faire mourir de faim ! Voici les brigands, maintenant ! Comme s’il y avait des brigands ! Je ne crois pas aux brigands. Tous les journaux annoncent qu’il n’y en a plus ! D’ailleurs je suis Anglaise, et si quelqu’un touchait un cheveu de ma tête… ! »

Mary-Ann était beaucoup moins rassurée. Elle s’appuya sur mon bras et me demanda si je croyais que nous fussions en danger de mort.

« De mort, non. De vol, oui.

— Que m’importe ? reprit Mme  Simons. Qu’on me vole tout ce que j’ai sur moi, et qu’on me serve à déjeuner ! »

J’ai su plus tard que la pauvre femme était sujette à une maladie assez rare que le vulgaire appelle faim canine, et que nous autres savants nous baptisons du nom de boulimie. Lorsque la faim la prenait, elle aurait donné sa fortune pour un plat de lentilles.

Dimitri et Mary-Ann la saisirent chacun par une main et l’entraînèrent jusqu’au sentier qui nous avait amenés. Le petit moine la suivait en gesticulant, et j’avais une violente tentation de la pousser par derrière ; mais un petit sifflement net et impératif nous arrêta tous sur nos pieds.

« St ! st ! »

Je levai les yeux. Deux buissons de lentisques et d’arbousiers se serraient à droite et à gauche du chemin. De chaque touffe d’arbres sortaient trois ou quatre canons de fusil. Une voix cria en grec : « Asseyez-vous à terre. » Cette opération me fut d’autant plus facile, que mes jarrets pliaient sous moi. Mais je me consolai en pensant qu’Ajax, Agamemnon et le bouillant Achille, s’ils