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brigand fit observer qu’il faudrait deux bâtons pour faire une croix. Hadgi-Stavros lui répondit : « Sois tranquille ; on mettra les bâtons du milord. » Je vous laisse à penser si mon cœur faisait un vacarme dans ma poitrine. Quels bâtons ? Qu’y avait-il de commun entre les bâtons et moi ?

Le Roi fit un signe à son chiboudgi, qui courut aux bureaux et revint avec deux longues gaules de laurier d’Apollon. Hadgi-Stavros prit la civière funèbre et la porta sur la tombe. Il l’appuya sur la terre fraîchement remuée, la fit relever par un bout, tandis que l’autre touchait au sol, et me dit en souriant « C’est pour vous que je travaille. Déchaussez-vous, s’il vous plaît. »

Il dut lire dans mes yeux une interrogation pleine d’angoisse et d’épouvanté, car il répondit à la demande que je n’osais lui adresser : « Je ne suis pas méchant, et j’ai toujours détesté les rigueurs inutiles. C’est pourquoi je veux vous infliger un châtiment qui nous profite en nous dispensant de vous surveiller à l’avenir. Vous avez depuis quelques jours une rage de vous évader. J’espère que lorsque vous aurez reçu vingt coups de bâton sur la plante des pieds, vous n’aurez plus besoin de gardien, et votre amour des voyages se calmera pour quelque temps. C’est un supplice que je connais ; les Turcs me l’ont fait subir dans ma jeunesse, et je sais par expérience qu’on n’en meurt pas. On en souffre beaucoup ; vous crierez, je vous en avertis. Vasile vous entendra du fond de sa tombe, et il sera content de nous. »

À cette annonce, ma première idée fut d’user de mes jambes tandis que j’en avais encore la libre