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un florin et demi, nourriture comprise ; et cependant, après un mois de séjour dans l’hôtel, il était parti en chaise avec la dame russe. Or, pourquoi une princesse emmènerait-elle un lieutenant dans sa voiture, sinon pour l’épouser ? Mon pauvre père, avec ses yeux de père, me voyait plus beau et plus élégant que le lieutenant Reynauld ; il ne doutait point que je ne rencontrasse tôt ou tard la princesse qui devait nous enrichir. Si je ne la trouvais pas à table d’hôte, je la verrais en chemin de fer ; si les chemins de fer ne m’étaient pas propices, nous avions encore les bateaux à vapeur. Le soir de mon départ, on but une vieille bouteille de vin du Rhin, et le hasard voulut que la dernière goutte vînt tomber dans mon verre. L’excellent homme en pleura de joie : c’était un présage certain, et rien ne pouvait m’empêcher de me marier dans l’année. Je respectai ses illusions, et je me gardai de lui dire que les princesses ne voyageaient pas en troisième classe. Quant au gîte, mon budget me condamnait à choisir des auberges modestes, où les princesses ne logent pas. Le fait est que je débarquai au Pirée sans avoir ébauché le plus petit roman.

L’armée d’occupation avait fait renchérir toutes choses dans Athènes. L’hôtel d’Angleterre, l’hôtel d’Orient, l’hôtel des Étrangers, étaient inabordables. Le chancelier de la légation de Prusse, à qui j’avais porté une lettre de recommandation, fut assez aimable pour me chercher un logement. Il me conduisit chez un pâtissier appelé Christodule, au coin de la rue d’Hermès et de la place du Palais. Je trouvai là le vivre et le couvert moyennant cent francs par mois. Christodule est un vieux pallicare, décoré de la croix de Fer, en