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criant bonsoir sur un ton si aigu, que je tremblai qu’elle n’éveillât nos gardiens, et je m’enfuis piteusement sous ma tente. Quelle journée, monsieur ! J’entrepris de récapituler tous les incidents qui avaient grêlé sur ma tête depuis l’heure où j’étais parti d’Athènes à la poursuite de la Boryana variabilis. La rencontre des Anglaises, les beaux yeux de Mary-Ann, les fusils des brigands, les chiens, les puces, Hadgi-Stavros, quinze mille francs à payer, ma vie à ce prix, l’orgie de l’Ascension, les balles sifflant à mes oreilles, la face avinée de Vasile, et, pour couronner la fête, les injustices de Mme Simons ! Il ne me manquait, après tant d’épreuves, que d’être pris moi-même pour un voleur ! Le sommeil qui console de tout, ne vint pas à mon secours. J’avais été surmené par les événements, et la force me manquait pour dormir. Le jour se leva sur mes méditations douloureuses. Je suivis d’un œil éteint le soleil qui montait sur l’horizon. Des bruits confus succédèrent peu à peu au silence de la nuit. Je ne me sentais pas le courage de regarder l’heure à ma montre ou de retourner la tête pour voir ce qui se passait autour de moi. Tous mes sens étaient hébétés par la fatigue et le découragement. Je crois que, si l’on m’avait fait rouler au bas de la montagne, je n’aurais pas étendu les mains pour me retenir. Dans cet anéantissement de mes facultés, j’eus une vision qui tenait à la fois du rêve et de l’hallucination, car je n’étais ni éveillé ni endormi, et mes yeux étaient aussi mal fermés que mal ouverts. Il me sembla qu’on m’avait enterré vif ; que ma tente de feutre noir était un catafalque orné de fleurs, et qu’on chantait sur ma tête les prières des morts. La peur me prit ;