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Je joignis l’action à la parole. Je poussai les traînards, j’éveillai les dormeurs, je secouai le moine, je forçai le Corfiote à me venir en aide, et bientôt le troupeau des brigands, troupeau armé de poignards et de pistolets, nous céda la place avec une docilité moutonnière, tout en regimbant, en faisant de petits pas, en résistant des épaules et en retournant la tête, à la façon des écoliers qu’on chasse en étude quand la fin de la récréation a sonné.

Nous étions seuls enfin, avec le Corfiote. Je dis à mistress Simons : « Madame, nous voici chez nous. Vous plaît-il que nous séparions l’appartement en deux ? Il ne me faut qu’un petit coin pour dresser ma tente. Derrière ces arbres, je ne serai pas trop mal, et tout le reste vous appartiendra. Vous aurez la fontaine sous la main, et ce voisinage ne vous gênera pas, puisque l’eau s’en va tomber en cascade au revers de la montagne. »

Mes offres furent acceptées d’assez mauvaise grâce. Ces dames auraient voulu tout garder pour elles et m’envoyer dormir au milieu des brigands. Il est vrai que le cant britannique aurait gagné quelque chose à cette séparation, mais j’y aurais perdu la vue de Mary-Ann. Et d’ailleurs j’étais bien décidé à coucher loin des puces. Le Corfiote appuya ma proposition, qui rendait sa surveillance plus facile. Il avait ordre de nous garder nuit et jour. On convint qu’il dormirait auprès de ma tente. J’exigeai entre nous une distance de six pieds anglais.

Le traité conclu, je m’établis dans un coin pour donner la chasse à mon gibier domestique. Mais à peine avais-je sonné le premier hallali, que les curieux reparurent à l’horizon, sous prétexte de