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LE FELLAH

En même temps il me mit dans la main un carré de papier bristol à la dernière mode, et je lus :

Ahmed-ebn-Ibrahim
fellah
à la Mission égyptienne.

Le hasard ne nous rapprocha plus qu’une fois avant la fin de la chasse, encore me fut-il impossible de renouer notre entretien : il était en conversation réglée avec un filateur de Manchester, et je pus remarquer au passage qu’il s’exprimait facilement en anglais.

On revint au château par la ferme ; l’amphitryon faisait valoir une centaine d’hectares à ses moments perdus, histoire de prouver qu’un Parisien riche, industrieux et lettré peut être par surcroît un cultivateur hors ligne. Les bâtiments, fort simples, mais solides, commodes et bien distribués, enfermaient une vaste cour carrée où cinq cents têtes de volaille, choisies parmi les meilleures races, émaillaient une montagne de fumier. Le matériel agricole, numéroté pièce à pièce, s’alignait en bon ordre sous un hangar ; une petite machine à vapeur fournissait l’eau, battait le grain, animait les tarares, hachait la paille et les racines, écrasait les pommes à cidre, sous l’œil d’un régisseur appointé comme un chef de bureau. La porcherie, la bergerie, l’étable des vaches hollandaises, étaient décorés d’écussons victorieux conquis en divers comices ; trente bêtes à cornes, luisantes de santé, plongées jusqu’aux genoux dans la litière, mâchaient la pulpe odorante des betteraves dans des mangeoires à leur nom. Le