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ACTE CINQUIÈME.

mes !… Tu m’appartiens !… Je t’arracherai, malgré toi, s’il le faut, à ces prétendus devoirs auxquels on a enchaîné ta jeunesse ! Viens !

GAËTANA.

Mais alors tu es un lâche !… Je suis incapable de résister, je ne te le cache pas ! Je t’avoue que si tu tendais la main vers moi, je me laisserais tomber dans tes bras. La solitude, le chagrin, l’amour ont épuisé le peu qui me restait de force… Je me montre à toi telle que je suis… dans toute la tristesse de mon accablement, et tu veux, misérable que tu es, pour le plaisir de quelques jours ou de quelques années, ruiner mon honneur en ce monde et mon salut dans l’autre ! Sais-tu bien que c’est infâme ce que tu fais là ?

LE COMTE, marchant sur elle.

Oui, je suis un lâche, un misérable, un infâme !… (Il lui prend les mains.) mais, je t’aime !… Honneur, devoir, réputation, le salut même, tout cela pâlit et s’efface à la lumière éblouissante de l’amour !… Il n’y a point de douleur qu’il ne console, point de danger qu’il ne brave, point « de crime[1] » qu’il ne justifie ! Viens, nous serons blâmés, nous serons maudits, nous serons coupables, mais nous serons heureux !

GAETANA, reculant.

Heureux !… Crois-tu ?

LE COMTE, l’entraînant.

Oui, nous fuirons ensemble, aujourd’hui même, tout est disposé. J’ai recueilli les débris de ma fortune ; un navire nous attend ! Nous irons auprès de Florence, dans le jardin de l’Italie délivrée. Un ami sûr a choisi pour nous une maisonnette aux bords de l’Arno. Nous vivrons seuls, l’un pour l’autre, inconnus du monde entier, invisibles à la curiosité des villes, entourés de quelques braves paysans qui admireront ta grâce, qui béniront ta bienfaisance… qui t’adoreront comme « la patronne de leur église[2]… » et la Providence de leur foyer !… Viens !

  1. D’action. Commission d’examen.
  2. Coupé par la commission d’examen.