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haut perché qui nous héberge tant bien que mal, est devenu depuis dix ans un rendez-vous de bonne compagnie. Si l’on voulait connaître en un été tout ce qu’il y a d’un peu notable en Alsace, il suffirait de séjourner ici trois mois durant.

Si vous êtes curieux de savoir à quoi tient la vogue de cette résidence, je ne vous ferai pas languir trop longtemps.

L’habitant d’une grande ville, et même d’une petite, éprouve au moins une fois dans l’année un violent besoin d’oublier ses voisins, ses affaires, son travail, ses journaux et le cours de la Bourse. Nous sommes tous de grands enfants ; il nous faut des vacances. Les citadins ont inventé la maison de campagne pour satisfaire à cet appétit. Mais on s’est bientôt aperçu que les villas entassées l’une sur l’autre dans les banlieues ne faisaient qu’élargir indéfiniment le périmètre des villes.

C’est en vain que les chemins de fer étendent le rayon de la villégiature ; le châtelain, si loin qu’il se transporte, entraîne ses petites misères avec lui. Il fuit escorté de ses habitudes, et des nécessités artificielles de sa vie. Il ne se débarrasse de ses relations que pour en subir de nouvelles ; on a partout des voisins ; on reçoit, on est reçu, on s’habille autrement, mais aussi ridiculement qu’à la ville ; il faut tenir maison, faire figure, ouvrir un salon, écouter et répondre des riens ; on a cru s’affranchir,