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conter fleurette. Mimi me donne son bras auquel je me pends sans scrupules.

Nos camarades, gentiment, nous taquinent au sujet de notre idylle et nous en rions tous.

Tous les soirs, un jeune instituteur qui prend pension dans un hôtel voisin, nous rejoint autour du bon feu clair qui pétille dans la salle, tandis que les autres pensionnaires entament une manille acharnée. Il est charmant ce garçon, et totalement dépourvu de suffisance et de pédantisme. Sa compagnie aurait suffi à réconcilier René Benjamin et les pédagogues.

Au fond, je crois qu’il éprouve un faible pour Francine. Jean (il s’appelle Jean) nous a offert, le jour de sa paie, une coupe de Champagne. J’ai bu la mienne. Mimi a fait la moue. Elle a capitulé après quelques lampées. Alors, en badinant, j’ai pris son verre et j’ai bu le vin généreux, généreusement, par esprit de sacrifice, avouai-je. Mimi savait que je cherchais la place de ses lèvres. Assise à mon côté, elle a attiré ma tête…

— Mademoiselle, déclarai-je sérieusement malgré un ton comique et solennel, il faudra aller au dispensaire d’hygiène sociale trouver ce savant de docteur X… qui vous renseignera sur la tuberculose et sur les dangers de la contagion.

Alors elle éclatait de rire, et je fermais les yeux sous son regard aimant, bouleversé, ravi, n’ayant pas le courage de me soustraire à la douceur de ses baisers.

— Eh bien, si j’attrape ta maladie, Fanfan, nous irons tous deux au sana. Nous serons très bien ensemble, n’est-ce pas ?

Elle me serrait contre elle, tendrement. Allez donc, sévères censeurs, apôtres de l’hygiène, parler prophylaxie à des cœurs trop jeunes pour ne point s’émouvoir, à des corps trop neufs bien qu’éclopés et trop vibrants pour résister à