Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

m’accompagne, et cet homme de bien ne cesse de me répéter que je ne suis point poitrinaire.

En effet, j’ai bien besoin qu’on me le redise. Pour convaincre il faut répéter, obséder, mais le mensonge n’est plus possible. Mon poumon gauche sans rime ni raison s’est éclairci et le mal tend à se localiser au sommet du poumon droit. Décidément la nature est une grande coquine, ennemie de la science et des verdicts trop absolus. N’aurai-je donc point une phtisie galopante ?

Un docteur du Huelgoat me soignera. Il est là, prévenant, doux. L’Assistance Publique le dédommagera. Lui, au moins, m’inspire confiance et volontiers, je croirais qu’il fait des miracles.

Le pneumothorax essaiera ses jeunes mérites sur le cobaye que je commence à devenir. Comprimer un poumon par insufflations d’azote et d’air pendant une période de temps variant suivant que le malade résiste ou ne résiste pas. Traitement déroutant, je l’ai su depuis. Cela mérite réflexion. La science me renvoie dans « mes foyers » pour quinze jours d’examen de conscience. En quinze jours il se passe quelquefois bien des choses !…

Mon oncle voulait avoir le cœur net. Original et très intelligent il se fiait en ses méthodes personnelles. Ça lui a toujours réussi.

Il s’en fut aux médecins. Il revint souriant, me déclarant avec superbe que j’étais sauvé.

— Vrai ? fis-je.

— Tu es sauvé ! répéta-t-il avec non moins d’assurance.

Ah ! traître ! je t’avais cru et Hippocrate t’avait dit que j’étais fichu ! que c’était une affaire de quelques jours et qu’on ne tentait l’opération qu’en dernier ressort !

— Mais enfin, avait-il ajouté, moins catégorique cette fois, on ne sait jamais !

Non, on ne sait jamais !

L’oracle était optimiste. Il avait fait un bon dîner !