Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une nuit d’hiver bien sombre (en général, les nuits d’hiver sont toujours sombres, et celle-ci plus que toutes les autres, et pour cause !) Yann dormait auprès de sa tendre moitié, Marie Bierez. Il dormait même très bien, à en juger par le tremblement inquiétant du lit-clos odieusement secoué par une respiration à haute tension.

Au dehors, le vent hurlait et, quelquefois, s’engouffrait dans la cheminée, avec des bruits de tonnerre. Dans les landes voisines, les loups faisaient entendre le chant de la faim inassouvie. Mais cré dié ! Yann n’en avait cure… Il rêvait de fars énormes et de ruisseaux de gwin-ardant.

Soudain le toit de chaume se souleva et, par l’ouverture, quelqu’un entra, léger, sentant le roussi. La porte du lit-clos glissa dans ses rainures et Yann fut happé par une main crochue. En un millième de seconde, le dormeur fut dehors, dans la nuit froide. Vous pensez bien qu’il s’était réveillé… Dame ! mettez-vous à sa place ! Il vit avec épouvante que son assaillant était un diable cornu et biscornu, à l’air peu rassurant. À quoi bon lutter ? Il ne le pouvait pas. Et puis, on ne résiste pas à un suppôt de Satan. Et Yann, la mort dans l’âme et un vent glacial dans les pans de sa chemise, suivit de force son mentor ricanant.

La route souterraine s’éclairait, à leur passage, d’une lueur sanglante et l’homme vit se dresser une borne kilométrique rouge. Il en compta vingt-huit, entendez-vous ? vingt-huit ! pas une de plus, pas une de moins ! Et il se trouva face à une porte d’airain. Sur un signe du convoyeur, elle s’ouvrit. Yann alors vit devant lui, sinistre, comme une hallucination, une grande mer de feu : Ar mor a dan !

Notre ami subit à son arrivée un passage à tabac en règle. Après quoi, ses bourreaux se mirent à danser autour de lui une ronde endiablée (c’est bien le cas de le dire) en chantant :