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la physionomie d’Amélie Rigaud, en religion, sœur Julie. « Sœur Julie, avec ses soixante et un ans et sa bonne figure de campagnarde, est une femme d’action, plus pratique que mystique. Sa foi est robuste et simple, comme son âme. Elle a juste ce qu’il faut d’études pour bien mener la lingerie et la cuisine et donner aux malades des soins « pas très savants », dit-elle. Mais elle est débrouillarde. Et surtout, elle est toute pénétrée de cette charité sans quoi tout le reste n’est rien. » Elle n’est pas une de ces héroïnes trop simples, tout d’une pièce, en qui une foi mystique étouffe tout autre sentiment. Non, comme sa compatriote Jeanne d’Arc elle est très humaine et partout accessible à la crainte. Quand elle réfléchit que les Allemands auraient pu revenir, elle murmure : « Oh ! que j’ai peur ! »

Mais ses craintes bien naturelles s’évanouissent devant le sentiment profond et fort de son devoir. C’est donc sans trembler qu’elle voit arriver les hordes. Leurs chefs ne se mettent vraiment pas en frais d’imagination, car c’est presque une scène identique à celle qui se passera quelques jours plus tard à Clermont en Argonne. Même brutalité, mêmes gestes meurtriers des officiers allemands, même courage tranquille de la « bonne sœur » française.

« Un officier, dit sœur Julie, arrive chez moi avec des soldats ; il monta chez mes blessés. Les pauvres petits tremblaient. Et moi, je me suis mise entre eux et lui : et je disais : « N’y touchez pas, ils sont blessés ». Alors il allait à chaque lit et jetait lui-même