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En somme, à la fin du xviie siècle, il y a, tant de la part du gouvernement que du clergé, des Conseils de ville ou des particuliers, un effort sérieux et assez sincère pour établir l’enseignement primaire. Mais cet effort fut fait sans plan et sans beaucoup de suite et la plupart du temps, les filles en bénéficièrent moins que les garçons.

Comme il est naturellement impossible de donner une vue générale sur l’état de l’enseignement primaire féminin à la veille de la Révolution, force nous est de parcourir les différentes provinces : nous y verrons, tant dans la diffusion de l’enseignement primaire féminin que dans l’organisation des écoles, la discipline, les programmes, l’esprit de cet enseignement, une infinie variété.

Dans certaines provinces, telles la Normandie, la Picardie, la Lorraine, le Dauphiné, l’on paraît s’être préoccupé assez sérieusement de l’enseignement féminin, et nous possédons des renseignements assez abondants.

En Normandie, les prélats montrèrent, depuis le xviie siècle, un zèle véritable pour le développement de l’enseignement primaire dans leurs diocèses. Les mandements fréquemment renouvelés des évêques de Séez, de Coutances, d’Avranches s’élevèrent contre la pratique de l’enseignement mixte, alors courant et imposé d’ailleurs par la nécessité, la pénurie des maîtresses aptes à l’enseignement se faisant, surtout dans les campagnes, très vivement sentir. Les statuts synodaux d’Avranches recommandent aux curés d’interdire aux filles l’entrée des écoles de garçons et de chercher, pour enseigner les filles, « des femmes vertueuses et craignant Dieu ». Le succès ne dut pas couronner leurs efforts car, à la veille de la Révolution, les évêques d’Avranches et de Séez constatent que la pratique de l’enseignement mixte est encore courante et que « l’expérience a montré combien ce mélange pouvait amener des désordres[1] » et « qu’un très petit nombre de maîtresses sont capables d’enseigner l’arithmétique ou même à écrire[2] ». Aussi est-il d’usage, dans des villes comme Alençon, de voir les jeunes filles recevoir chez elles l’enseignement de maîtres particuliers.

Cependant, en 1790, on trouve dans le diocèse d’Avranches, 76 paroisses pourvues d’une école de filles pour 115 pourvues d’une école de garçons. Dans le diocèse de Rouen, sur 1 152 paroisses, 855 possèdent une école de garçons et 300 une école de filles.

  1. Mandement de Mgr  Contat de Condorcet, évêque d’Avranches, cité par F. Buisson. Dictionnaire de pédagogie.
  2. Ordonnance de Mgr  Daquin, évêque de Séez.