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Des établissements semblables devaient fonctionner en province car, dans un certain nombre de villes, nous trouvons à côté des religieuses, des maîtresses laïques. Nous savons par exemple, qu’à la fin du xviie siècle, il existait à Dijon des maîtresses de dessin[1].

Quels étaient les programmes de ces établissements ? Sans doute analogues à ceux du couvent que nous avons vu fréquenté par Mme  Roland, ou moins développés encore ; chez les Ursulines par exemple, on enseignait en général l’instruction religieuse, la lecture, l’écriture ou le travail ménager. Dans telle petite cité, en tout cas, l’enseignement était assez bien compris. Il en était ainsi, par exemple, au témoignage de Marmontel, dans la petite ville de Mauriac. « Il existait dans cette ville de nombreux collèges de garçons ; leur exemple était pour les jeunes filles un objet d’émulation. L’instruction des uns influait sur l’esprit des autres et donnait à leur air, à leur langage, à leurs manières une teinte de politesse, de bienséance et d’agrément[2] ».

En somme, on ne peut dire qu’on ne se soit préoccupé sérieusement, dans la bourgeoisie comme aussi dans la noblesse, de l’instruction des filles. Mais nul plan d’ensemble, nulle initiative officielle, nulle tentative pour organiser réellement leur éducation et leur instruction. Celles-ci valent, en somme, ce que valent, non les maîtres ou maîtresses qui, en général, sont médiocres, mais l’entourage familial et l’individualité de l’élève.

Aussi la plupart des femmes de la bourgeoisie et de la noblesse sont-elles des autodidactes. C’est passé l’âge des études, qu’elles se mettent à apprendre et, lorsqu’elles sont intelligentes, elles retiennent d’autant plus. Pour Mme  du Deffand, Mme  de Lespinasse, Mme  du Châtelet, Mme  Campan, Mme  Roland et en outre la plupart des femmes de lettres du xviie siècle, pour toutes ou presque, l’instruction première a été médiocre. Mais très intelligentes, leur volonté d’apprendre et la pratique du monde les ont formées. Un tel système, qui peut produire des individualités brillantes et en produit en effet, est grandement défavorable à la masse de toutes celles qui ne trouvent pas au cours de leur vie l’occasion de s’instruire.

On peut dire d’ailleurs que, malgré les belles tentatives, toutes infructueuses faites sous la Révolution, l’enseignement des filles de

  1. (1) Un jugement de l’Intendant (1694) condamne Mme  Regnault, maîtresse de dessin dans les couvents de religieuses de Dijon, à contribuer aux charges de la communauté des peintres. (Arch. dép. Côte-d’Or, C. 2314).
  2. Marmontel. Mémoires.