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sur celui même qui doit lui inspirer la crainte de Dieu. La marchande de modes, la couturière sont des êtres dont elle évalue l’importance avant d’apprendre l’existence du laboureur qui la nourrit. L’art de plaire et la coquetterie lui sont inspirés avant l’idée de prudence et de décence[1] ».

iv. Instruction de la bourgeoisie

L’éducation des filles de la bourgeoisie parisienne et provinciale ne semble, somme toute, guère inférieure à celle des filles de la haute société.

La plupart du temps, cette éducation se fait à la maison familiale : les maîtres y viennent instruire dans les différentes matières, la jeune fille dont le père ou la mère peuvent trouver le temps de diriger eux-mêmes les études. Les mémoires de Mme Roland nous donnent, sur la façon dont cette éducation était comprise, des indications précieuses. C’est la mère qui enseigne les premiers éléments du catéchisme ; des amis de la famille l’aident dans sa tâche et savent rendre la leçon attrayante. Plusieurs maîtres viennent à la maison et, même dans une famille de petite bourgeoisie, ces maîtres sont très nombreux : un pour l’écriture, un autre pour la géographie, un pour la danse, un pour la musique, un autre pour la guitare. De ces professeurs libres, spécialisés dans l’enseignement des jeunes filles, Mme Roland trace des croquis fort spirituels. À la lire, il semble qu’ils dussent être tous laids et âgés, sans doute pour éviter de tourner la tête de leurs disciples. Et une remarque s’impose. Ni dans les mémoires de Mme Roland, ni ailleurs, il n’est fait mention d’institutrice libre. Cela confirme les vues de Riballier : très peu de femmes sont capables d’enseigner.

Jeanne Philipon apprit en outre le dessin avec son père et, avec son oncle, ecclésiastique et curé de sa paroisse, le latin. On peut supposer que de telles circonstances se reproduisirent assez fréquemment et qu’un certain nombre de jeunes filles durent être, par de proches parents, initiées au latin ou du moins à ses premiers éléments.

Parfois, après les premières années d’éducation familiale, on envoyait l’enfant dans un couvent pour y préparer, en dehors des influences du siècle, sa première communion. Puis, l’année suivante, l’éducation familiale reprenait son cours.

Comme on a pu le voir par l’énumération de ses maîtres que

  1. Goncourt. La femme au xviiie siècle.