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La classe bleue, enfin, où se trouvent des jeunes filles de seize à vingt ans et dont, à l’avance, les imaginations rêvent comme du couronnement des études[1], est consacrée uniquement à la religion, à la musique et au français. Comme on a déjà commencé de le faire dans les classes inférieures, on discute avec les maîtresses, parfois Mme  de Maintenon elle-même, de problèmes moraux.

Les traits caractéristiques de l’éducation de Saint-Cyr, telle que la voulut sa fondatrice, sont donc les suivants : prédominance de l’éducation sur l’instruction[2], formation du caractère et développement du sens de la responsabilité, emploi de l’émulation et, comme le dirait Montesquieu, de l’honneur comme ressort du progrès : les meilleures élèves portent le ruban noir, aident les maîtresses aux charges de la maison et toutes tendent leur ambition vers cette croix d’argent qui, parant les deux plus sages entre les sages, font d’elles le chef et le sous-chef, auxiliaire de la directrice et investies par leurs camarades d’une particulière considération.

Ces traits ont subsisté tels que les avait vigoureusement tracés Mme  de Maintenon jusqu’à la Révolution. Et ni l’esprit, ni la méthode, ni non plus les programmes d’enseignement n’ont, au cours du xviiie siècle, subi d’importants changements.

À la fin du règne de Louis xvi, Saint-Cyr donne asile à 250 jeunes filles pour la plupart filles de nobles de province, de hobereaux honnêtes, « capitaines, colonels, brigadiers, chevaliers de Saint-Louis sans fortune[3] ». Les intentions de la fondatrice sont donc respectées. 40 maîtresses, 16 sœurs, 5 novices et 32 filles de service composent la communauté. Les dames de Saint-Cyr dispensent à leurs pupilles un enseignement qui reste le même qu’au temps de Mme  de Maintenon mais qui semble devenir un peu plus superficiel. Walpole, qui, en 1769, visite l’établissement, nous montre, dans la première classe, les jeunes filles jouant aux échecs et chantant les chœurs d’Athalie ; dans la deuxième, on danse le menuet, dans la troisième on répète les proverbes et dialogues qu’a écrits spécialement pour ses pupilles Mme  de Maintenon.

Sans doute les demoiselles de Saint-Cyr ne recevaient-elles pas tous les jours un enseignement aussi peu substantiel. Mais, parcourons le catalogue de la bibliothèque ; nous y verrons que les livres en usage pour les différentes divisions sont : pour la classe rouge, des histoires édifiantes, des récits de voyage (Vie des dames de la

  1. Souvenirs d’une bleu.
  2. « Tout est subordonné à l’éducation », dit Victoire de la Maisonfort. Loc. cit.
  3. Ch. Lavallée. Histoire de la Maison Royale de Saint-Cyr.