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mûri, obtient du roi la création de la Maison Royale de Saint-Cyr, destinée aux filles des gentilhommes ayant servi dans les armées royales. Formulant avec une rigueur inconnue de Fénelon — lequel s’est bien gardé d’agiter la question de la valeur des sexes et semble admettre sinon l’égalité du moins l’équivalence des capacités de l’homme et de la femme — la doctrine de l’infériorité du sexe faible, déclarant, avec une modestie un peu affectée, la femme inférieure par le corps et l’esprit et faite pour obéir, elle se propose, elle aussi, un seul but : faire des femmes de bonnes épouses et de bonnes mères. Comme Fénelon, mais avec bien moins d’ampleur, elle déduira logiquement de ce but le programme et les méthodes.

Sans doute était-elle disposée tout d’abord à faire à l’esprit du siècle des concessions assez larges et n’était-elle pas loin de désirer pour ses pupilles une culture littéraire très vaste et l’habitude de divertissements mondains. Mais, comme l’a fort justement signalé M. Gréard[1], on peut noter dans ses conceptions pédagogiques une évolution. Le goût des plaisirs mondains lui paraît, en des jeunes filles pauvres et destinées pour la plupart à mener une vie obscure dans les provinces, comporter plus d’inconvénients que d’avantages : orgueil, frivolité. Et après les représentations d’Esther (1689), elle referme les portes à son gré trop largement ouvertes sur le monde et, par une conséquence naturelle, rapetisse les programmes que l’influence de l’Éducation des filles avait contribué à élargir.

C’est en définitive une conception bien plus étroite que celle de Fénelon qui a triomphé. Cependant, il faut pour l’apprécier se reporter à l’époque et l’on verra que Mme  de Maintenon mérite les éloges que de bons juges lui ont décernés.

Pour Mme  de Maintenon, si l’éducation et l’instruction concordent également à la formation de l’esprit et du caractère, il semble que la première doive nettement prendre le pas. La formation morale bien plus encore que la formation intellectuelle, voilà ce qui, d’après ses Instructions pédagogiques et les Souvenirs des élèves de Saint-Cyr, apparaît bien comme le point capital[2].

Écoutons-la parler à ses élèves : elle leur recommande, comme exercice essentiel, cet examen de conscience qui doit, lentement et sûrement, amener la perfection morale.

  1. L’Enseignement secondaire des jeunes filles.
  2. Geoffroy. Mme  de Maintenon d’après sa correspondance. Paris, 1882. Instructions aux demoiselles de Saint-Cyr, par Mme  de Maintenon, recueillies d’après le manuscrit. Paris, 1908. Souvenirs d’une bleue, lettre de Victoire de la Maisonfort à Geneviève Colonabe.