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avis contraire. Un arrêt du Parlement de Paris du 29 août 1602 rejeta une sentence arbitrale rendue par la maréchale de Lavardein assistée d’une autre dame et d’un gentilhomme. En 1610, le Parlement de Bretagne fit de même pour un arbitrage semblable. Donc, bien qu’il subsiste encore en théorie, ce droit de la femme tend, dans la pratique, à s’éclipser.

De même encore, une femme ne peut être chargée de la collecte des tailles et des autres impositions ; d’une manière générale, il est donc bien admis qu’elle est inapte à toute fonction publique[1]. Une catégorie de fonctions publiques, cependant, fait exception : la tutelle et la curatelle. Car le droit romain tient celle-ci non pour une des attributions du chef de famille, mais pour une fonction publique[2], le juge, qui représente en l’espèce l’État, déléguant au tuteur son autorité pour le soin des intérêts du mineur. Justement, à ce titre, la tutelle suit la règle générale et « les femmes ne peuvent l’exercer ». Mais exception est faite pour la mère ou l’aïeule. Celles-ci peuvent être tutrices, ou curatrices de leurs enfants ou petits-enfants. Encore ce droit est-il enveloppé de restrictions assez nombreuses : la femme peut s’excuser sur son sexe pour refuser la tutelle. Elle en perd l’exercice si elle se remarie et ce, au bénéfice du second mari nommé tuteur.

Au cours de l’exercice de sa tutelle, la mère en peut être privée par exemple dans le cas où les autres parents de l’enfant mineur s’aperçoivent qu’elle donne la main à un mariage qu’ils jugent contraire à l’intérêt du pupille[3].

Deux autres cas se présentent encore où la femme peut exercer la tutelle ou la curatelle malgré la lettre de la loi romaine. Tl arrive assez fréquemment que, dans tel pays de droit coutumier, la femme puisse être tutrice de ses frères et sœurs[4].

Enfin la femme peut être nommée curatrice de son mari, mais lorsque celui-ci est prodigue, fou furieux ou interdit[5]. Elle administre alors tous ses biens, comme elle le fait d’ailleurs lorsqu’il se trouve en état d’absence prolongée, pour le service de sa Majesté[6].

  1. D’Aguesseau, cité par Frank. Essai sur la condition politique de la femme.
  2. Dictionnaire de jurisprudence.
  3. Ibid.
  4. Cf. Archives de la Nièvre, D. 521, qui nous en donnent des exemples assez fréquents.
  5. Encyclopédie : art. Femme.
  6. Cf. Archives des notaires d’Angoulême, Arch. Dép. de la Charente. E. passim.