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est admis en effet que la femme ne peut épouser un homme de condition inférieure à la sienne. Si elle passe outre à cette disposition, elle peut être privée de sa part des biens de la communauté. L’inégalité ici est flagrante puisque, comme le remarque un juriste, un veuf est parfaitement libre d’épouser sa servante, sans qu’il se trouve dans la loi aucune disposition pour l’en empêcher.

Mieux, tandis que le veuf n’est soumis au cours de son deuil qu’aux règles de la bienséance, ces règles deviennent pour la femme veuve des lois qu’il peut être dangereux de transgresser. Est-elle surprise à porter légèrement son deuil, fréquente-t-elle le bal, mène-t-elle une vie impudique, elle peut se voir traduite devant les tribunaux et intenter une action qui peut avoir pour résultat la perte de son douaire.

Ainsi la loi, sinon les mœurs, restreint de toute manière la liberté de la veuve. Le souci de la morale — mais une morale différente pour les deux sexes — et la présomption que la femme est un être plus faible que l’homme justifient ces restrictions.

v. La mère

La mère, tant que dure le mariage, n’a pas la même autorité que le père sur ses enfants, et, qu’il s’agisse de leur éducation ou de leur mariage, c’est le mari, non la femme, dont l’opinion l’emporte. Mais il semblerait que, veuve ou chef de famille, elle dut avoir sur ses enfants, tout comme le père, l’autorité absolue. Or, les choses ne vont pas tout à fait ainsi. Et, disent les juristes, la mère n’a pas pour ce qui est du consentement au mariage la même autorité que le père… Le père peut refuser son consentement sans donner d’autres raisons que sa volonté. La mère, elle, doit, au cas où elle refuse son consentement au mariage, justifier sa décision. Et si à son fils et à toute la famille cette décision n’apparaît pas justifiée par des motifs valables, les autres parents peuvent la poursuivre en main-levée d’opposition au mariage de son fils et obtenir gain de cause[1].

Jouissant dans la famille d’une autorité moindre que celle du père, la mère fut longtemps également désavantagée sous le rapport des successions. L’édit de Saint-Maur (porté en pleine renaissance romaine, 1567) rétablissait l’ancienne distinction entre les parents maternels agnati et les parents paternels cognati et « pour la conser-

  1. Répertoire de jurisprudence. Un arrêt du Parlement de Paris du 30 octobre 1760 tranche, contre la mère, une affaire semblable.