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de l’Anjou, du Vermandois, de Châlons donnent à la femme noble l’une des maisons à son choix, parmi celles du mari. Un grand nombre d’autres coutumes étendent ce droit à la roturière et, si elles ne lui permettent pas toujours le choix, lui assurent du moins la jouissance d’un des immeubles ou, s’il n’y en a qu’un, de la moitié ou du tiers de la maison commune.

Est-ce à dire, cependant, que la femme veuve soit, même au point de vue de ses droits familiaux ou de la liberté de disposer de ses biens, absolument l’égale de l’homme ? Pas tout à fait.

S’agit-il de ce droit de garde noble, survivance de la féodalité, la femme ne le possède pas toujours.

Certaines coutumes, par exemple celle de Normandie, l’accordent au père seul ou, à son défaut, à l’aïeul ou aux parents du côté paternel, et il existe chez les juristes une opinion assez courante d’après laquelle l’aïeul du côté paternel doit être préféré à l’aïeul du côté maternel, de quelque côté que soit le survivant. C’est, par delà la mort, la puissance paternelle qui se prolonge au détriment de la puissance maternelle.

D’autres dispositions encore montrent que la femme veuve n’est pas, aussi pleinement que l’homme célibataire ou veuf, maîtresse de sa personne, de sa fortune et de ses actions.

La fortune que la femme tient de son mari, elle ne peut la donner ni la transmettre à qui bon lui semble. Un édit de 1560 en effet, et celui-là place bel et bien parmi ses principaux considérants l’infirmité du sexe, décide que, « si la veuve se remarie, elle ne pourra faire à son nouvel époux aucune donation sur les biens qu’elle aura hérités de son premier mari ; pour ce qui est des propres et des acquêts, elle ne pourra en disposer en faveur du second mari que jusqu’à concurrence de la part de l’enfant qui aura le moins » [1]. D’autre part, l’ordonnance de 1629, dite Code Michaud, stipule que « la veuve ayant enfant qui se remarie sera privée du douaire à elle acquis par le premier mariage[2] ». La préoccupation est donc évidente d’empêcher la femme de porter, dans une autre famille, les biens qu’elle tient de son mari et même, dans une certaine mesure, de tenir la veuve dans cet état de viduité qui, du point de vue théologique, paraît le plus convenable. Le droit canon ici n’a pas été sans influer sur le droit civil.

D’ailleurs, si le remariage de la veuve est autorisé comme celui du veuf, ce n’est cependant pas avec une aussi absolue liberté. Il

  1. Isambert. Recueil des lois (Ordonnance de Blois).
  2. Ibid.