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et sur ses biens, la coutume de Corse qui fait de la femme une perpétuelle mineure dont aucun acte n’est valable sans l’autorisation du mari et des magistrats ; la coutume de Hainaut, qui considère que la femme mariée ne peut rien faire en son propre nom, soit avec ou sans l’autorisation de son mari[1], et qui, considérant elle aussi la femme mariée comme une mineure, tire de cette théorie la conséquence logique : la femme sous la puissance de son mari étant considérée comme un être faible, incapable de défendre ses droits et de veiller à ses intérêts, doit en toute circonstance être protégée contre son mari. Elle sera donc pourvue de tuteurs, les mainbours, nommés par contrat, et aucun acte personnel ne sera valable sans l’autorisation de ces mainbours. Éminemment défavorable au mari, un tel usage fut l’objet de nombreuses attaques et l’application de la coutume de Hainaut, si particulière, donna lieu à de nombreux procès. Elle se maintint pourtant jusqu’à la Révolution. C’est donc bien plus encore de la conception de la puissance maritale que de la théorie de l’infériorité naturelle de la femme que viennent les restrictions apportées à son droit de propriété. Sans doute la puissance maritale ainsi conçue suppose ce postulat : l’infériorité naturelle de la femme. Mais aucun juriste ne veut apercevoir ce postulat.

iv. Condition de la veuve

Que la femme cesse d’être sous la puissance maritale, quelle est sa situation ?

Veuve, elle redevient libre de disposer de ses propres biens et de ceux, qu’en héritière ou usufruitière, elle tient de son mari. Le droit écrit, le droit coutumier prennent soin de lui assurer, outre la reprise de sa dot, une partie des biens de la communauté sous forme de douaire ou de bourgage, et la législation du moyen-âge, qui permettait à la veuve du baron de vivre noblement au manoir du mari, s’est perpétuée et est passée même dans le droit roturier. Le droit d’habitation est l’un de ceux qui sont le plus fréquemment reconnus à la veuve. La jurisprudence du Parlement de Paris lui attribue, dans certains cas, non seulement la maison d’habitation mais tout le domaine, parc, ou forêt, qui l’entoure[2]. La coutume de Bretagne lui assigne le principal manoir ; les coutumes du Maine,

  1. Répertoire de jurisprudence : Hainaut.
  2. Ibid. En 1704, la maréchale de Montesquiou bénéficia d’une décision semblable.