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du droit coutumier qui admettait que la femme put valablement s’obliger. Assez souvent les contrats, établis même pendant la période où il fut en faveur, portaient renonciation de la femme au bénéfice du Velléien.

Le gouvernement royal, lui, fit effort pour abroger purement et simplement le fameux sénatus-consulte. Les renonciations étant, une reconnaissance de l’existence du Velléien, un édit de 1606 défendit aux tabellions d’insérer dans leurs contrats aucune renonciation au Velléien et autres privilèges du sexe et ordonna que les contrats souscrits par les femmes eussent même effet, force et vertu que si toutes les renonciations eussent été dûment spécifiées[1]. L’ordonnance royale de 1606 fut loin d’être appliquée dans toute la France. En 1664, Louis XIV dut rappeler par une nouvelle ordonnance celle de son aïeul et en imposer l’application aux pays de droit écrit relevant du Parlement de Paris (Lyonnais, Forez, Maçonnais, Beaujolais). Les Parlements du Midi mirent d’ailleurs si peu d’empressement à enregistrer la loi qu’il fallut la rappeler encore par les deux édits de 1683 et 1703. Le premier en spécifia l’application à la Bretagne, le deuxième à la Franche-Comté.

Au xviiie siècle, le Velléien était abrogé dans presque toute la France. Il continuait cependant d’être appliqué en Normandie, le Parlement de Rouen s’étant obstinément refusé à enregistrer les édits royaux. Car le Velléien était la contre-partie nécessaire d’une coutume qui accordait au mari tout pouvoir sur les biens de sa femme et lui permettait d’en disposer, semblant préjuger du consentement de l’épouse. Aussi ce consentement, même eût-il été formellement donné, n’est pas considéré comme valable si la femme s’est engagée dans une affaire où elle risque sa fortune, et les créanciers du mari n’ont contre elle nul recours.

Ainsi, que l’on considère le pouvoir absolu que le mari possède sur les biens de la communauté, qui sont ceux de la femme comme les siens, l’obligation où elle se trouve, de recourir à l’autorisation maritale pour faire usage de sa fortune personnelle[2], les précautions mêmes qui sont prises pour garantir l’inaliénabilité du bien dotal et protéger la femme contre sa faiblesse, on conclura que, dans notre ancien droit, la femme mariée n’est pas jugée pleinement capable de propriété. Car si la propriété est, suivant la for-

  1. Isambert. Anciennes lois.
  2. L’autorisation maritale, comme sous le régime du Code Napoléon, lui est nécessaire pour recueillir un héritage.