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aucune opération sans le consentement de son mari. C’est d’ailleurs celui qui prévaut dans notre législation issue du Code Napoléon.

Quelles raisons les juristes donnent-ils pour justifier ces coutumes et ces lois ?

La théorie officielle est la suivante : l’obligation d’être autorisée ne préjuge en rien que la femme ne sache pas seule se conduire.

« Puisque, dit Guy Coquille, la jeune fille est, avant son mariage, aussi capable que l’homme, est-ce que le mariage lui enlèverait l’intelligence dont la nature l’a pourvue ? [1] » « La femme, ajoute Pothier, n’a pas la raison plus faible que les filles ou veuves qui n’ont pas besoin d’autorisation. » L’obligation pour la femme d’être autorisée est donc fondée sur la puissance que le mari a sur la personne de sa femme.

C’est bien là, sans doute, la théorie officielle, mais est-elle entièrement justifiée et, si la préoccupation d’affermir l’autorité maritale demeure l’essentielle, n’y a-t-il pas, à la base de toutes ces dispositions, la théorie romaine de l’imbécilité du sexe ?

Car, alors que sa théorie de la puissance maritale devrait lui apparaître comme suffisante, Pothier affirme : « L’acte d’une femme qui contracte ou paraît en justice sans l’autorisation du mari est blessant pour l’honnêteté[2]. » C’est la vieille théorie romaine que la femme doit être écartée du prétoire et du forum.

Mais on se rend compte mieux encore du fond de mépris pour le sexe faible qu’implique le statut des biens de la femme mariée si l’on se rappelle l’histoire du sénatus-consulte Velléien. Ce sénatus-consulte qui, promulgué sous le règne de Vespasien, frappe de nullité toutes les obligations que la femme aurait contractées pour autrui, fut introduit en France lors de la renaissance du droit romain. Il fut couramment en usage au xvie siècle dans les pays de droit écrit et eut force de loi, à moins que la femme n’eut expressement stipulé qu’elle y renonçait.

Elle pouvait donc ainsi éluder toute obligation qu’elle aurait contractée, non seulement pour un étranger mais pour son mari.

Or, sur quelle théorie s’appuyait le consul Velleius en élaborant la loi célèbre ? Sur ce que la faiblesse des femmes les rend faciles à tromper et à décevoir ? Tout en établissant solidement l’autorité maritale, il fallait protéger la femme contre sa propre faiblesse et l’ascendant que, par douceur ou violence, pouvait prendre sur elle le mari. Le Velléien, cependant, était contraire aux dispositions

  1. Œuvres : Paris, 1646.
  2. De la communauté.