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d’établir sur les biens de la communauté la puissance absolue du mari. Le mari peut « charger les biens de dettes, perdre les biens de la communauté, les dégrader par négligence, ou les détruire sans en être coupable envers sa femme ».

D’autre part, la femme, qui, au moyen-âge, agissait en son propre nom et s’engageait elle-même pour les dépenses relatives à l’entretien de la maison et à la conduite du ménage, n’est plus considérée que comme la mandataire, la procuratrice de son mari. Sous l’influence du droit romain où prévalait une conception analogue il est donc admis que la femme ne peut être tenue pour responsable des dettes qu’elle a contractées pour son mari « même chez le boucher, le boulanger », car elle est censée avoir, par le revenu de sa dot, payé à son mari pour son entretien.

Ainsi se marque la préoccupation de sauvegarder le patrimoine de la femme contre les dilapidations possibles de son mari, précaution d’autant plus nécessaire que la femme a perdu cette égalité de fait qui était pour elle une garantie, et que, si elle n’est plus un être libre et, à l’égal de l’homme entièrement capable, elle doit être protégée contre sa propre faiblesse. C’est ainsi que le mari ne peut aliéner les propres de sa femme ; mieux, ces propres ne sont pas obligés par le passif du mari.

Ainsi, d’une part les biens de la communauté dont, à la différence des siècles passés, le mari est le maître absolu, d’autre part, les biens particuliers de la femme, les biens dotaux ou paraphernaux qui doivent constituer un patrimoine inaliénable et, dans tous les cas, revenir à la femme à la mort du mari.

Mais de ces biens particuliers mêmes, les femmes, au pays de droit coutumier, sont loin, tant qu’elles sont en puissance de leur mari, de pouvoir disposer librement.

Quel que soit le genre d’affaire ou de contrat auxquels ses biens puissent donner lieu, qu’elle veuille les aliéner, les vendre, les engager ou intenter à leur sujet une action en justice, la femme ne peut rien faire sans « être autorisée de son mari ». Tout acte accompli sans l’autorisation maritale est légalement nul. Certaines provinces cependant suivent la législation en vigueur dans les pays de droit écrit. Les coutumes d’Auvergne, de la Marche, de Normandie permettent à la femme de disposer librement de ses paraphernaux. (À cette disposition près, d’ailleurs, la coutume de Normandie établit, plus rigoureusement que toutes les autres, l’autorité du mari sur les biens de la communauté).

Certains pays, récemment rattachés au royaume, tels l’île de Corse, conservaient encore leur législation particulière qui était