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Discours à la nation française[1], Mme  de Fumelh ne demande à la nouvelle assemblée que de consolider la Constitution française. La monarchie héréditaire et absolue est voulue par la nature même qui, ayant fait de la France un pays continental, exige qu’il ait une forte armée dont le monarque use en temps de paix pour affermir son pouvoir. Le roi doit d’ailleurs bien se garder d’abolir « les pouvoirs intermédiaires » qui font partie de l’antique Constitution. Il lui faut seulement les surveiller pour éviter qu’ils ne travaillent contre le bien des peuples.

Nul désir non plus de profondes transformations sociales. Il est mauvais, dit Olympe de Gouges, de faire pénétrer dans l’esprit du peuple l’irréalisable idée d’égalité dont un essai d’application pratique entraînerait une « boucherie universelle » [2]. Et elle exhorte au calme les masses populaires, rappelant avec sagesse aux ouvriers quelles conséquences fâcheuses aurait pour leur budget une grève, fût-elle de vingt-quatre heures[3]. Les femmes se croient d’ailleurs tenues de jouer, au milieu des passions déchaînées, un rôle conciliateur. Au mois de juin 1789, au moment de la grande lutte entre le Tiers et les ordres privilégiés qui aboutit à la formation de l’Assemblée nationale, Olympe de Gouges adjure le Tiers et la noblesse de faire un patriotique effort pour réaliser l’union nationale. Et si elle réprouve les nobles de refuser, par préjugé de caste, de siéger avec le Tiers, elle ne reconnaît pas au Tiers le droit de faire seul les lois[4]. On ne peut donc pas dire qu’Olympe de Gouges pêche par excès de hardiesse.

Une femme, cependant, a émis, elle, des idées fort avancées sur la réorganisation politique et sociale de la France, c’est Sophie Rémi de Courtenai de la Fosse Ronde, qui s’est faite l’avocat des pauvres aux États Généraux.

Elle demande l’élection par le peuple des ministres, des généralissimes, de tous les officiers, une politique économique capable de remédier à la cherté des vivres et, pour assurer aux pauvres la subsistance, la main-mise sur tous les biens ecclésiastiques : les moines et les religieuses céderaient leurs couvents aux pauvres de l’un et l’autre sexe et vivraient eux-mêmes dans une évangélique pauvreté[5].

Mais c’est la question financière surtout qui préoccupait alors

  1. Paris, 1789.
  2. Le bonheur primitif.
  3. Lettre au peuple.
  4. Le cri du sage par une femme.
  5. L’argument des femmes aux États Généraux.