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l’égalité de droit des individus. Vous avez fait marcher l’humble habitant des chaumières à l’égal des princes et des dieux de la terre ; par vos soins paternels, le villageois n’est plus obligé de ramper devant l’orgueilleux seigneur de sa paroisse, le timide fantassin ose se plaindre d’être écrasé par le phaëton du publicain superbe, le noir africain ne se verra plus comparé à l’animal stupide qui, stimulé par la verge du féroce conducteur, arrose de sa sueur et de son sang nos pénibles sillons.

« Bientôt, un jour serein va briller sur nos têtes et la terre stupéfaite va voir naître dans son sein cet âge d’or qui, jusqu’alors, n’avait existé que dans les descriptions fabuleuses des poètes. Ah ! Nos seigneurs seront les seuls pour qui existera toujours l’âge de fer…

« Vous avez brisé le sceptre du despotisme… et tous les jours vous souffrez que treize millions d’esclaves portent les fers de treize millions de despotes ! » Aux femmes comme à tous les êtres doivent s’étendre les bienfaits du nouvel âge d’or. Et les auteurs de la Requête demandent, comme l’une des premières conséquences de l’abolition des privilèges du sexe masculin, que « toute personne du sexe féminin soit indistinctement admise aux assemblées du district et du département, élevée aux charges municipales et même députée à l’Assemblée nationale, lorsqu’elle aurait les qualités requises par la loi des élections ». Elles y auraient « voix consultative et délibératrice » [1].

Sans doute, étant donné le ton badin de certaines des brochures où se trouvent ces revendications politiques, pourrait-on douter de leur réalité. Mais le doute n’est plus permis lorsque l’on songe qu’Olympe de Gouges, qui écrit un an plus tard la Déclaration des droits de la femme, pourrait bien être (l’emphase du style permet de le conjecturer) l’inspiratrice ou du moins la rédactrice de quelques-unes de ces proclamations, lorsque l’on voit un homme politique comme le marquis de Villette, disciple chéri de Voltaire et député de Senlis, prendre à son compte les revendications féministes les plus hardies.

Dans ses cahiers, en effet, le marquis de Villette ne se contente pas de plaider la cause des filles-mères et de réclamer pour la femme l’ouverture de nouvelles professions. Le dernier article qu’il faut citer tout au long comme le monument le plus précieux et le plus authentique du féminisme politique avant

  1. Requête des dames à l’Assemblée nationale.