Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/482

Cette page n’a pas encore été corrigée

faiblesse naturelle. Et il demande que les maisons de secours et de consolation « établies pour le relèvement des filles perdues ne soient pas (ce qui était le cas, nous l’avons vu, par les maisons du Bon Pasteur) un séjour effrayant qui saisit de crainte et qui repousse le malheur » [1]. Le même auteur désire que, pour éviter les trop nombreux infanticides, la société tienne pour son devoir de secourir les filles séduites et de se charger de leurs enfants.

Un effort très sérieux a été fait alors pour attirer l’attention du public sur la nécessité, en une société bien organisée, de faire aux femmes une place plus importante dans la vie économique, de les mettre à même de gagner leur vie, d’écarter, dans les professions spécifiquement féminines, la concurrence masculine, d’ouvrir à toutes celles que leur intelligence en rendra digne, l’accès de nouvelles professions.

Le marquis de Villette, qui a bien aperçu les rapports entre la misère des femmes du peuple et la prostitution, pose nettement le problème. « Il faut, dit-il, protéger l’innocence qui gagne douze sous par jour et qui se décourage en voyant le vice gagner un écu par heure » [2].

Et il veut que l’on réserve rigoureusement aux femmes tous les travaux concernant l’habillement féminin et qu’on frappe d’amendes les hommes occupés aux travaux d’aiguilles. L’abbé Sabineau[3] demande, presque dans les mêmes termes, que « les métiers exercés ci-devant par les femmes et filles comme les modes, les coiffures, robes et habillements soient interdits à tout jamais aux hommes comme un travail honteux pour eux sous des peines infamantes ». On trouve ici l’écho des idées de Mercier.

Avec quelqu’imagination d’ailleurs, mais non sans force et sans verve, l’auteur anonyme des Plaintes de la pauvre Javotte fait ressortir les difficultés que, dans les professions artistiques même, la concurrence masculine crée à la femme qui en veut faire son gagne-pain et revendique pour elle ces professions[4].

  1. De la religion nationale.
  2. Marquis de Villette. Mes cahiers.
  3. Dans ses Trente-deux articles à ajouter aux cahiers (Chassin, tome II).
  4. « — Je veux vivre honnête et travailler. — Vous mourrez de faim. — J’ai appris tout ce qu’il faut pour être dans une maison de commerce. — Il n’y a que les hommes qui soient employés chez les connnerçants. — Je copie fort correctement de la musique. — Il n’y a que les hommes qui copient de la musique. — Je me suis encore appliquée au dessin, même à la peinture. — Il n’y que les hommes qui sachent le dessin et la peinture. — Je pince la harpe, la guitare, je