Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/477

Cette page n’a pas encore été corrigée

même les filles du roi décédé sans postérité mille, n’ont aucun droit à la couronne », dit le cahier des avocats d’Orléans[1].

Le Tiers de Pont-à-Mousson va plus loin et demande qu’en aucun cas et même dans celui de « l’extinction de toutes les branches masculines de la famille royale », les « femelles » ne puissent succéder au trône. La noblesse du baillage de Caen entend même priver la reine-mère de son droit traditionnel à la régence au profit du premier prince du sang.

Il faut attribuer une telle insistance en faveur de la loi salique à une crainte et à un souvenir : crainte de voir, par le mariage d’une héritière de France, s’il en était une, avec un prince étranger, le royaume perdre son indépendance ; mauvais souvenir laissé par l’ingérence trop ostensible et souvent malheureuse des femmes dans le gouvernement. Et cette dernière considération vaut pour expliquer l’hostilité que témoignèrent au féminisme politique la plupart des hommes de la Révolution.

iii. Le féminisme en dehors des cahiers

Si les cahiers des États Généraux, qui représentent l’esprit public de la France, restent en général assez timides dans leurs revendications concernant l’amélioration du sort féminin et n’effleurent qu’à peine ou même passent sous silence les plus brûlantes questions (divorce, situation économique des femmes, égalité politique), l’opinion fut néanmoins saisie de revendications plus précises et plus hardies. Maint réformateur, maint représentant des catégories sociales particulièrement déshéritées, qui n’avait pu faire parvenir ses projets ou ses plaintes aux États, fut à cette date, où pratiquement exista une liberté de la presse presqu’absolue, où toutes les idées purent librement s’exprimer, porter sa cause devant le tribunal de la conscience publique.

Aussi les brochures d’inspiration féministe furent-elles relativement nombreuses. Entre le retour au pouvoir de Necker annonçant la convocation des États Généraux et la transformation des États Généraux en assemblée Constituante, date à laquelle s’arrête notre étude[2], on en compterait certainement une trentaine[3].

  1. Cahier du bailliage d’Orléans.
  2. C’est pourquoi nous ne mentionnerons pas les brochures parues à la fin de 1789 et en 1790, telle la Déclaration des droits de la femme, d’Olympe de Gouges, et l’Admission des femmes au droit de cité, de Condorcet.
  3. Cf. Bibliographie.