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ment de la production des chefs-d’œuvre littéraires, mais de l’exercice de tous les emplois. Et elle dénonce cette pétition de principes : « Pourquoi le savoir nous est-il inutile ? Parce que nous sommes exclues des charges. Pourquoi sommes-nous exclues des charges ? Parce que nous n’avons pas le savoir[1] ? »

Comme Poulain de la Barre, son maître, Caffiaux tient la femme pour apte à tous les emplois et revendique pour elle, dans les mêmes termes que Poulain de la Barre, toutes les professions libérales. Tous les écrivains n’ont pas suivi les femmes de lettres sur ce terrain et la plupart d’entre eux, s’ils admettent qu’une femme tienne à orner toujours davantage son esprit, à approfondir les sciences, non moins que la littérature, jugent qu’elle ne doit, ce faisant, poursuivre que des buts désintéressés.

Après avoir fait un véritable panégyrique des femmes savantes et de Mme  du Chatelet en particulier, Voltaire écrit, et il faut citer ce curieux passage : « N’est-il pas vrai qu’une femme qui abandonnerait les devoirs de son état pour cultiver les sciences serait condamnable même dans ses succès ? Mais, madame, le même esprit qui mène à la connaissance de la vérité est celui qui porte à remplir ses devoirs… Permettez-moi de vous dire encore qu’une des raisons qui doivent faire estimer les femmes qui font usage de leur esprit, est que le goût seul les détermine. Elles ne cherchent en cela qu’un nouveau plaisir. Et c’est en cela qu’elles sont bien louables[2]. »

On ne saurait dire cependant que ce soit là le dernier mot de Voltaire. Il a adressé tant d’éloges à ses « consœurs » en littérature qu’on peut croire que, parfois, la rigueur de ses principes fléchit ou plutôt que la qualité de professionnelle des sciences et des lettres, qui lui paraît peu convenable à une grande dame comme Mme  du Chatelet, lui paraît parfaitement convenir aux bourgeoises auxquelles s’adressent ses madrigaux.

Thomas, lui, ne croit pas les femmes destinées à produire de grandes œuvres littéraires : « L’imagination, semble-t-il, est leur vrai partage ; elles sont plus sensibles ; le monde réel ne leur suffit pas… des forces inconnues, des liens secrets transmettent rapidement à elles toutes les impressions. » « Mais ces impressions qu’elles ressentent elles-mêmes si fortement, peuvent-elles les faire ressentir aux autres en les exprimant avec une force égale ? Non, car ces impressions sont mobiles, fuyantes, forment « des images plus que des tableaux », car le sens de la composition leur manque,

  1. La femme n’est pas inférieure à l’homme.
  2. Voltaire. Épître d’éducation d’Alzire à Mme  du Chatelet.