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La vie qu’elles doivent mener, une fois munies de ces connaissances indispensables, — avec défense d’en acquérir d’autres, — sera essentiellement « sédentaire ». Elles ne doivent ni aller dans le monde, ni fréquenter les Académies et les Universités, ni exercer un autre métier que celui de mères de famille. Le gynécée, voilà l’idéal de Restif comme celui de Rousseau.

ii. Féminisme littéraire

Nombreux sont, au contraire, les écrivains qui, constatant qu’en fait les femmes sortent de leur foyer et que les conditions économiques présentes ne permettent pas d’envisager leur retour à ce foyer, ont demandé, pour la femme, une plus large place dans la vie économique, ou qui, admirant tant de femmes intelligentes et lettrées, ont revendiqué pour elles le droit de tenir une place parmi les génies littéraires et scientifiques qui distribuent leurs lumières aux humains.

Cette dernière forme de féminisme est la plus fréquente. Elle est tellement commune qu’on ne saurait énumérer tous ses sectateurs. Il nest pas une — ou presque — des innombrables femmes de lettres du xviiie siècle, depuis Mme  de Lambert jusqu’à Mme  Leprince de Beaumont et Mme  de Graffigny, qui n’ait revendiqué le droit, pour les femmes, de cultiver à son gré les lettres et les sciences.

Mme  de Lambert, qui cependant n’est pas un bas-bleu, qui se défend, même, d’être une femme de lettres professionnelle, ne peut supporter que les hommes aient l’air de faire fi de littérature féminine. Protestant contre les critiques, injustifiées à son gré, dont ont été l’objet certaines œuvres littéraires dues aux femmes, elle ajoute : « Les femmes ne peuvent-elles pas dire aux hommes : Quel droit avez-vous de nous défendre l’étude des sciences et des beaux-arts ? Celles qui s’y sont attachées n’y ont-elles pas réussi dans le sublime et dans l’agréable[1] ? »

Mme  de Graffigny, Mme  Riccoboni jugent de même et tiennent que les femmes, assimilant bien mieux que les hommes les connaissances qu’elles ont acquises, sont au moins aussi capables qu’eux de produire des chefs-d’œuvre. Mme  de Puisieulx, elle, revendique pour la femme une culture supérieure comme condition, non seule-

  1. Réflexions sur les femmes.