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Chose curieuse, ces voix ne trouvent pas d’écho parmi les femmes ; rares sont celles qui s’intéressent au sort des filles du peuple ; leurs revendications concernent exclusivement la bourgeoisie.

vi. Le droit de la mère

Si la fille-mère paraît utile à la société, à plus forte raison en est-il ainsi de la mère de famille qui, elle, n’a pas seulement pour mission de mettre au monde des enfants, mais de les élever et de former leur caractère.

Ainsi a-t-il paru opportun de rappeler aux mères de famille trop tentées (du moins dans la noblesse et dans la haute bourgeoisie) de s’affranchir de leurs devoirs, à quel point était important leur rôle, impérieuses leurs obligations. On a tendance à considérer Rousseau comme, en cette matière, le grand rénovateur. Sans doute, il a imposé ses idées avec plus de force persuasive que tous ses devanciers et ses successeurs. Et sans doute on chercherait vainement, chez Voltaire ou Montesquieu, des pages sur le rôle éducateur des mères. Ces mondains acceptent les usages du monde qui séparent la mère des enfants. Mais déjà Fénelon, nous l’avons vu, avait insisté sur l’importance du rôle de la mère, non pour la famille seulement, mais pour la société à laquelle elle prépare des générations saines et instruites. Après lui, Mme  de Lambert montre également que le rôle capital de la femme, celui qui doit lui assurer le respect et une large place dans la société, c’est son rôle maternel et qu’il faut, par une réforme de son éducation, par une extension de ses droits, la mettre à même de jouer dans les meilleures conditions possibles ce rôle. Mais Mme  de Lambert, qui n’est ni moraliste, ni pédagogue professionnelle, ne fait qu’indiquer ces idées avec une discrétion de grande dame, sans appuyer jamais.

« Point de mère, écrit à son tour Hélvétius, qui ne prétende aimer éperdument son fils. Mais si par ce mot : aimer, l’on entend s’occuper du bonheur de son fils et par conséquent de son instruction, presqu’aucune mère qu’on ne puisse accuser d’indifférence. Quelle mère en effet veille à l’éducation de ses enfants, lit sur cet objet de bonnes choses et se met seulement en état de les entendre[1] ? »

Fénelon, Hélvétius et naturellement Mme  de Lambert n’ont en vue que l’éducation morale. Aucun ne prescrit à la mère de se montrer mère vraiment en nourrissant son enfant.

  1. Hélvétius. De l’esprit.